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Ne sacrifions pas une génération déjà fragilisée : misons sur elle !

· Insertion prof,Monde du travail,Mentorat

Trois mois après le début du confinement et l'annonce d'une crise économique sans précédent, il est temps de faire un bilan sur la manière qu'ont eue les étudiant·es d'INAsup de faire face à cette situation inédite.

Je tiens à préciser que ce qui suit n'est qu'une simple photographie de mon expérience avec un certain nombre de jeunes, et n'est en aucun cas représentatif de toute la jeunesse française.

Dans le cadre de mes fonctions d'accompagnement, j'ai très vite ouvert mes services au plus large public : étudiant·es, mais aussi alumni d'INAsup.

Pendant la période du confinement, j'ai principalement conseillé, rassuré, accompagné, informé, formé, mentoré cette communauté.

De l'aide à la rédaction de CV et lettres de motivation pour vainement trouver un stage, à la stratégie de recherche d'emploi, l'aide à se lancer enfin et devenir free lance, l'envoi d'exercices ciblés pour trouver son "pourquoi" ou pour finaliser un projet professionnel.

Beaucoup avaient juste besoin d'être rassuré·es quant à la validité de leur diplôme obtenu pendant le confinement, par rapport aux promotions précédentes, d'autres se questionnaient sur leur orientation : "ai-je choisi le bon diplôme, la bonne voie professionnelle, le bon métier ?"

Certain·es m'ont interrogée sur la possibilité de trouver un travail loin de Paris, car elles ou ils avaient pris conscience que leurs valeurs, leurs choix de vie n'étaient plus compatibles avec la vie en Île de France.

Et pour finir, des personnes en reconversion professionnelle qui avaient tout misé sur une année de formation en alternance ont vu leur château de cartes s'écrouler très violemment face à cette situation inédite et anxiogène.

Il y a aussi eu de beaux moments pendant lesquels certain·es ont profité de cette pause obligatoire pour se former à la défense verbale en ligne, avec des crises de rire et des moments de solidarité à la clé.

Et puis, il ne faut pas oublier que ces jeunes, en fonction de leur situation personnelle, familiale, financière, locative, ont vécu des situations très douloureuses et anxiogènes. Dans ces cas là, une écoute bienveillante, le temps qu'il fallait, s'imposait, mais aussi parfois des techniques de régulation émotionnelle pour arriver à faire descendre les montées d'angoisse.

Pendant cette période, il est aussi clairement ressorti que ces jeunes avaient une vraie nostalgie de leur groupe, des moments collectifs en cours ou en projets. Le relationnel et le contact humain ont cruellement manqué et ne pouvaient pas être remplacés par le virtuel.

Si je dois quand même identifier des aspects positifs à cette situation, c'est que, personnellement, ce confinement m'aura permis d'établir des rapports privilégiés avec ces jeunes. Jamais en temps normal je n'aurais pu développer une telle qualité relationnelle.

J'ai pu avoir des entretiens téléphoniques de près de 2 heures alors que dans les murs de l'école mes contacts avec elles et eux avaient lieu à la pause (10 minutes) ou le soir après les cours (1 heure maximum plus la fatigue de la journée de cours).

Le distanciel a clairement facilité les échanges. La parole s'est libérée, tout était beaucoup plus spontané, sans auto-censure.

Depuis le déconfinement, d'autres problématiques sont entrées en jeu, mais l'angoisse principale concerne l'avenir et la recherche du 1er emploi.

Les étudiant·es et les jeunes diplômé·es ont toujours besoin d'être rassuré·es quant à leur avenir et la concrétisation de leur premier emploi. Mais là, ça prend une autre dimension.

Outre des conseils pour la rédaction des CV et des lettres de motivation, les diplômé·es ou presque sont à la recherche de stratégies efficaces pour aborder la recherche d'emploi le plus sereinement et efficacement possible.

Mais comment être serein.ne quand on entend à longueur de journée dans les médias que la crise va être terrible et que les jeunes seront les plus touché·es ?

Normalement, cette génération devrait être en train de fêter dignement ce diplôme et ce passage dans la vie active. Mais non ! Elles et ils sont privé·es de ce rite de passage et, pour couronner le tout, l’insouciance propre à la jeunesse n'est plus possible.

Certain·es ont tellement peur, que le choix qui s'impose c'est de continuer leurs études, pour celles et ceux qui le peuvent financièrement, histoire de rester "au chaud" ou "en sécurité" encore un an et de laisser passer la tempête.

Mais qui sait combien de temps va durer la tempête ?

D'autres, plutôt que de se retrouver au chômage à peine diplômé·es, sont prêt·es à consacrer l'année à venir à enchaîner les stages pour un salaire de misère, histoire de pouvoir enfin mettre sur leur CV l'expérience professionnelle exigée par les entreprises pour leur ouvrir le sésame du premier emploi.

Je ne blâme pas ces jeunes qui font ce qu'ils peuvent face à un avenir économique, écologique et social incertain, surtout que le business des stages n'est pas nouveau.

En effet, je suis tombée sur un article à ce sujet il y a quelques jours et il m' a mise en rage. Même s'il date de 2018, il est toujours d'actualité et même pire !

Que l'on fasse un stage dans le cadre de ses études, jusque là tout est normal. Mais que l'on paye une fortune des structures pour pouvoir obtenir des conventions de stage, c'est inadmissible, alors que c'est le rôle des Missions Locales qui accompagnent les moins de 25 ans dans ce sens, et gratuitement.

Cette situation va encore plus se dégrader avec la crise à venir. Certaines universités incitent même à s'inscrire à un DU (diplôme universitaire) pour pouvoir faire une année de stage ! Ce qui est tout bénef pour l'université qui va percevoir les frais d'inscription et tout faux pour les jeunes qui seront encore plus précarisés pendant un an et qui n'apparaîtront pas dans les chiffres du chômage !

On peut clairement parler de précarisation organisée des jeunes !

Même si c'est tentant et rassurant, ces jeunes ne devraient pas mettre un pied dans ce système, déjà pour ne pas creuser leur tombe en étant acteurs de cette précarisation et surtout parce que c'est encore une fois du travail gratuit (ou presque) pour les entreprises.

Une année de stagiaires, c'est royal non pour une entreprise ?

Alors que faire ?

Pourquoi pas un service civique ? Pour quasi le même revenu, un engagement sociétal et citoyen avec à la clé la possibilité de le valoriser sur un CV via une attestation, mais surtout, la possibilité de cumuler des points de retraite correspondants au temps travaillé, ce qui n'est pas le cas pour les stages (vous devrez payer une cotisation !).

Je choisis de rester positive et de promouvoir l'engagement citoyen, afin de ne pas reproduire des modes de fonctionnement caduques de notre monde capitaliste : faisons corps pour un monde dans lequel on ne doit plus accepter de laisser quiconque sur le carreau, jeunes, vieux, femmes, handicapé·es, personnes issues de la diversité, etc.

Je choisis de miser sur l'intergénérationnel : nous devons développer le mentorat des jeunes par des moins jeunes afin de favoriser leur insertion professionnelle.

Entreprises ! Soutenez les jeunes, faites-leur confiance, misez sur cette génération fragilisée pour qu'elle ne devienne pas une génération sacrifiée car elle est l'avenir du monde post Covid.

Pour aller plus loin

  • Je vous encourage à aller voir cet excellent guide réalisé par le collectif Powa, avant la version spéciale étudiant·es qui ne devrait pas tarder à sortir.

         https://lnkd.in/gxEBsDc

Pour les personnes qui ont fait un stage ou une alternance cette année, cela vous sera très utile.

  • Vous pouvez également consulter l'étude de JobTeaser réalisée pendant le confinement en avril 2020

         https://info.jobteaser.com/etude-recrutement-crise-covid19

Sylvaine Pettens, Responsable pédagogique en charge de l'accompagnement des étudiant·es et des responsables d'alternant·es en entreprise.