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L'orientation en question

Les jeunes générations subissent de plus en plus de pression, mais sans accompagnement réellement efficace.

· Monde du travail,Insertion prof,Mentorat,Alternance

C’est LE sujet du moment.

Télérama, le Monde et bien d’autres titres encore consacrent leurs pages à la pression que subissent les élèves et les étudiant·e·s pendant leurs études.

Et puis la publication récente de la dernière enquête PISA vient alimenter la réflexion sur la spécificité française qui néglige la partie accompagnement et gestion de l'échec de ses jeunes, et qui pointe du doigt les inégalités sociales du système éducatif français.

Cela fait vingt ans que j'observe des jeunes et des moins jeunes qui viennent apprendre un métier dans le domaine de l'audiovisuel à INAsup. Je confirme que le stress et l'anxiété sont beaucoup plus perceptibles, mais aussi, depuis quelques années, la peur d'avoir fait un mauvais choix, la peur d'échouer, et surtout, la peur du chômage, prennent le dessus.

Mais pourquoi ces peurs ?

Il existe actuellement une très forte pression sociale, familiale, scolaire, une injonction à réussir dans sa vie.

La famille reçoit et perçoit la pression sociale et en voulant bien faire, la transmet aux enfants, et cela devient une vraie obsession pour tout le monde. C'est le syndrome du parent hélicoptère qui plane au dessus de son enfant pour le surveiller, le protéger, le surprotéger même, tout en étant persuadé de bien faire pour son avenir, mais sans se rendre compte que les choses ont changé et qu’on ne choisit plus un métier comme on le faisait il y a vingt ou trente ans.

Qui dit méconnaissance dit crainte, peur et stratégie de repli sur des études qui ne sont pas forcément adaptées à tous les profils de jeunes qui arrivent en post bac.

Là, en fonction des origines sociales, on va assister à différentes stratégies, qui vont de l'auto-censure pour les personnes issues de classes sociales modestes, à un surinvestissement moral et financier pour les plus aisés, car il faut faire de “bonnes études” pour avoir un “bon métier”.

Mais que signifie avoir un “bon métier” et faire de “bonnes études”pour des parents qui très souvent ont fait toute leur carrière ou une grande partie dans la même entreprise, alors que les nouvelles générations en âge de travailler ne souhaitent plus cet état de fait et que les entreprises peinent à les fidéliser plus de deux ou trois ans ?

Depuis le collège jusqu'à l'enseignement supérieur, il est très difficile pour les jeunes de se projeter professionnellement à horizon de cinq ou dix ans.

Les élèves français sont capables de se projeter dans des études mais pas dans des métiers, parce qu'à part le fameux stage d'une semaine en classe de troisième, qui se déroule très souvent sur le lieu de travail des parents, il y a une réelle méconnaissance du monde de l'entreprise et du vaste champs des possibles en matière de métiers.

Les élèves sont perdus mais les professeurs aussi, par manque d’information et de formation et parce que les programmes scolaires, qui sont prioritaires, sont beaucoup trop longs. Le temps d’accompagnement est donc obligatoirement sacrifié pour permettre d'aller jusqu'au bout de ces programmes.

Il manque clairement une politique d’éducation à l’orientation pour se projeter dans un futur métier contrairement à d’autres pays européens, ainsi qu'une veille active afin d'identifier les métiers de demain et les cursus existants pour y parvenir.

On se retrouve alors avec des jeunes qui ne savent pas clairement ce qu’ils veulent faire plus tard, face au système Parcoursup qui les plonge dans une perplexité totale, et une angoisse croissante quant à leur avenir. Sachant qu'en plus, outre le dossier scolaire qui est important, ces lycéen·nes mettent leur avenir entre les mains d'un algorithme tout sauf transparent.

En effet, plus le dossier sera bon, plus il y aura une chance d'intégrer une prépa, une grande école, une filière sélective ou en tension (comme Staps, Paces, Droit ou Psychologie).

Mais qu'est-ce que cela provoque chez les jeunes qui n'ont pas un excellent dossier pour des raisons diverses ? Une baisse de l'estime de soi, une dévalorisation de leurs capacités, et un doigt dans l'engrenage de l'échec scolaire voire du décrochage.

Je n’incrimine pas les parents qui font ce qu’ils peuvent dans un monde instable et qui sont inquiets pour l'avenir de leurs enfants, ni les professeurs qui tentent de pallier les carences en aide à l’orientation, ni les conseiller·es d’orientation , désormais appelé·es psychologues de l’Education Nationale, qui sont trop peu nombreux·ses pour accompagner efficacement les lycéen·nes (1 pour 1500 élèves en 2017 !).

Le problème étant systémique, il est illusoire de penser que d'enquête PISA en études diverses et variées sur l'avenir des jeunes générations, les choses vont changer.

Il faut plutôt aborder l'orientation des jeunes différemment, et leur fournir les clés pour donner un sens à leur avenir.

Et cela commence par apprendre à se connaître. Savoir qui je suis, pour savoir qui je vais devenir, est la grande question qui devrait suivre ces jeunes depuis le collège, plutôt que de leur demander de but en blanc "qu'est-ce que tu veux faire comme métier ?".

Leurs choix scolaires devraient se faire en totale adéquation avec leur personnalité, leurs envies et leurs compétences, plutôt que de penser massivement qu'étudier dans une filière scientifique leur permettra de trouver plus facilement du travail et de s'y épanouir.

Alors pour répondre à tous ces questionnements, ces doutes, ces peurs, INAsup a créé un poste afin d’accompagner nos étudiant·e·s pendant et après leur passage entre nos murs, car il n'est jamais trop tard pour trouver sa voie.

Nous considérons qu'il est nécessaire d'avoir un changement de posture face à l'orientation et l'insertion professionnelle, et cela passe par :

  • la connaissance de soi,
  • la confiance en soi et l'estime de soi
  • la gestion de ses émotions
  • l'identification de ses talents et de ses forces
  • la lutte contre les biais cognitifs qui les empêchent d'avancer

Mais aussi, il est de notre devoir de :

  • les aider à identifier leur projet de vie et les accompagner pour le finaliser une fois diplômé·es
  • leur donner les clés pour être autonome quant aux choix des métiers qu'ils exerceront tout au long de leur vie professionnelle
  • leur permettre de réaliser un CV et un entretien d'embauche sans tomber dans les pièges des recruteurs.
  • décoder le monde du travail et les conditions d'exercice d'un contrat de travail.

Une chose est sûre, c’est par la connaissance de soi que viendra la confiance en soi, et donc l’envie d’aller de l’avant, de se lever le matin et de s’impliquer dans des projets et dans un travail qui aura du sens.

Une fois qu’on se comprend et qu’on comprend les autres, on arrive à améliorer ses interactions en régulant ses propres actes et ses paroles. Établir un contact positif avec les autres, permet de se sentir en confiance avec eux, mais aussi et surtout de gagner en confiance en soi. Et sans confiance en soi, impossible de déplacer des montagnes ! On reste dans un système d’échec et de victimisation et c’est le cercle vicieux.

Ces jeunes ont besoin d'être rassuré·es, d'apprendre de leurs erreurs et de savoir qu'il y a toujours des solutions de replis. Il est nécessaire de donner du sens à leurs études, car cette quête de sens ne les quittera jamais. (75% des jeunes entre 18 et 34 ans affirment qu’il est primordial d’exercer une activité professionnelle qui les passionne).

Quelle réponse apporter aux générations qui se construisent sur des bases incertaines pour tenter de faire redescendre la pression avant que celle-ci ne se transforme en burn-out ou en pathologies liées au stress ?

De l'écoute, de l'empathie et de l'accompagnement, certes bienveillant, mais surtout efficace, de manière à ce que ces jeunes et moins jeunes puissent avoir les clés pour se connaître, comprendre leurs émotions, les gérer, et être plus serein·es face à un avenir politique, économique, social et écologique incertain.

Sylvaine Pettens, Responsable pédagogique en charge de l'accompagnement des étudiant·es et des responsables d'alternant·es en entreprise.

Pour aller plus loin :