Ça commence par un BTS...
S’il est un parcours qui symbolise pleinement comment les jeunes générations vont aborder le monde du travail, c’est bien celui de Jérémie.
Après un Bac ES, sa famille le pousse vers un diplôme professionnalisant, craignant de le voir se perdre à l’université.
Il choisit de faire un BTS audiovisuel option Gestion de Production à INAsup (en partenariat avec le Lycée Evariste Galois de Noisy le Grand).
Là, il apprend toutes les bases qui lui seront utiles pour la suite de son parcours : la logistique, le sens de l’organisation, les bons réflexes de la comptabilité, une bonne culture cinématographique et audiovisuelle.
Il a pris tout ce qu’il pouvait prendre pendant 2 ans, s’est éclaté, et s’est senti plus fort, bien armé pour continuer ses études. parce que oui, après ces 2 années de BTS, il prend goût aux études et décide de continuer en licence professionnelle “techniques journalistiques” à Paris 8.
Retour à l’Ina où il fait son stage de fin d’année au sein d’Ina global et où il comprend que ce qui le passionne vraiment, c’est la production de contenus. C'est aussi là qu'il commence à s'intéresser au rôle des algorithmes dans notre rapport avec internet.
Jérémie préfère se faire son opinion en faisant, en testant, quitte à se tromper de chemin, apprendre de ses erreurs, et se réorienter ensuite, sans craindre de perdre du temps, puisqu'il continue ses apprentissages, quoiqu'il arrive.
Puis un master...et un doctorat !
Il a vécu 2 fois une année de césure, ce qui lui a permis aussi de mûrir des projets, de mieux se connaître et d’affiner un peu plus son projet professionnel.
La première l’a mené au master en architecture de l'information à l'ENS de Lyon. En deuxième année il est parti en Erasmus à Oslo pour suivre des cours de e-learning nouvelle génération (comme réaliser un cours avec Minecraft) et de design participatif (une approche typiquement scandinave plus axée usagers que utilisateurs). Il a mené son stage de fin d'études et son mémoire à Berlin au Centre Marc Bloch dans le cadre du projet ANR Algodiv avec Camille Roth. Son stage portait sur l'étude de la fabrique des algorithmes de recommandation et le mémoire sur l'étude et la visualisation du confinement (enfermement) informationnel sur Twitter.
Sa deuxième année de césure lui a permis de se lancer dans une très belle aventure journalistique avec les Carnets Kaia. Le principe ? donner une deuxième vie à des articles longs (long form) publiés sur le web, mais là sous la forme de jolis petits cahiers.
En parallèle, Jérémie prépare son entrée en doctorat. L’aboutissement de tout ce travail de réflexion se concrétise en novembre 2018 quand il apprend qu’il est accepté à Berlin pendant 3 ans pour faire de la recherche sociologique sur "l'étude de la fabrique des algorithmes : conception et impacts au sein des organisations".
Il peut enfin mobiliser toutes les compétences et tous les apprentissages accumulés depuis son BTS : l'organisationnel (qui est devenu inné), la production de contenus, l'intérêt pour les algorithmes.
Un nouveau champ des possibles s’ouvre à nous avec les algorithmes, en bien comme en beaucoup plus dangereux.
Il va donc aborder ces notions sous le prisme de la sociologie et souhaite leur apporter un nouvel angle de réflexion, plus éthique. Etudier avec des lunettes de sociologue nous oblige à nous confronter à ce qu’est devenue notre société et surtout comment elle pourrait évoluer.
Et après ?
Dans 3 ans, après sa thèse, Jérémie ne sait pas encore ce qu'il va faire. Ce n'est pas facile de se projeter.
Il envisage de se lancer en free lance pour intervenir sur des domaines complémentaires.
Il a la ferme volonté de ne pas s’enfermer et il insiste sur le fait qu'il n’y a pas d'obligation à ce que tout ait un lien.
Il est conscient que les entreprises n'ont pas forcément une vision toujours positive d’un tel profil car le monde du travail actuel cherche des profils linéaires.
Mais les choses commencent à changer ! Ces profils atypiques sont aussi l'avenir de l'entreprise car ils peuvent avoir une vision à 180 degrés quand ils sont lancés sur des projets.
Jérémie sait se confronter, se tromper, affiner.
Il a acquis une bonne vision d’ensemble des choses grâce à son BTS, ce qui lui permet de pouvoir anticiper au maximum et c'est indispensable et précieux en entreprise.
Sur le chemin des études, il a eu le courage de prendre des sentiers pour se confronter à ses envies très éclectiques.
Ce sont des décisions compliquées à prendre dans une société encore très normalisée et stéréotypée en termes d’études supérieures, mais qui ont toutes été source d’enrichissement personnel.
Il a gagné en expérience et en confiance en lui pour se dire : pourquoi pas une thèse ?
Alors on peut le qualifier de Slasheur, multi-potentiel, multi-compétences, on peut aussi penser qu'il se cherche, mais le système scolaire actuel demande aux élèves de choisir beaucoup trop tôt leur orientation, sans leur donner la possibilité de se connaître vraiment, de savoir quelles sont leurs forces, leurs talents et surtout sans leur accorder l'option de l'erreur comme faisant partie intégrante des parcours.
Jérémie s’est beaucoup cherché car il aime beaucoup de choses et n’arrive pas à se dire qu’il faut se fixer une bonne fois pour toutes.
N'est-ce pas là au contraire un profil d'une grande richesse pour les entreprises ?
En tout cas, les moins frileuses, les plus ouvertes sur le monde ont déjà compris ce qu'elles avaient à gagner en faisant appel à leurs compétences !
Pour aller plus loin
-La recherche montre en main : 3 minutes pour présenter sa thèse sur France Culture
-Les carnets Kaia
https://www.kaia-lescarnets.fr/
- Le design éthique
Sylvaine Pettens, Responsable pédagogique en charge de l'accompagnement des étudiant.e.s.